Retour sur la visite de la Biennale d’Art Contemporain 2024 de Lyon.
Un compte-rendu de visite proposé par Michèle Faure.
Rencontres avec quelques œuvres de la 17ème Biennale d’Art Contemporain 2024 sur le site des Grandes Locos à Oullins, Echappée culturelle du 16 novembre 2024
Thème :Les voix des fleuves – Crossing the water(relations humaines et accueil de l’autre, ce qui nous lie et nous délie, ce qui nous sépare et nous rassemble).
Brève histoire du site : Les Grandes Locos qui, pendant soixante-dix ans ont abrité les hauts fourneaux, forges et ateliers de construction et réparation des locomotives à vapeur et des moteurs électriques, ont fait peau neuve pour devenir en 2024, un nouveau lieu emblématique de la vie culturelle et de la création lyonnaise. Les Grandes Locos ont sifflé en mai le début d’un long voyage artistique. C’est en ces lieux grandioses que se déroule la 17ème Biennale d’Art Contemporain.
Œuvres visitées : « Lève le doigt quand tu parles »Myriam MIHINDOU
Installation qui revendique la prise de parole des femmes sur le plan politique et social. Des bras de femmes et des doigts tendus se lèvent pour exprimer droits et révolte, et à rendre visibles et audibles des corps, des voix et des imaginaires longtemps négligés ou minorés. Dans ce lieu de réparation du matériel, théâtre de luttes sociales et syndicales, l’artiste convoque les notions de réparation du corps, de résilience, et de pratique thérapeutique et spirituelle des femmes.
« Murdesmots »Bocar NIANG
Issue d’une famille de griot.tes, poéte.sses, conteur.euses, l’artiste compose des poèmes dans l’espace à l’aide de 70 mots et 4 langues ( français, italien, peul et wolof), glanés au cours de ses déplacements. Activée lors de lectures performées, l’œuvre invite par la parole, au partage, à la polyphonie et à toutes formes d’oralité (parlées, déclamées, chantées, théâtralisées…). Le but de cette œuvre est de mettre en valeur les traditions orales des communautés africaines minoritaires, en dialogue avec des langues majoritaires dont le français.
« Marmites enragées »Pilar ALBARRACIN
Installation de cocottes minutes qui constitue une œuvre engagée et transgressive, ouvrant sur un espace de revendication féministe au sein d’une société patriarcale. Une cinquantaine de cocottes minutes s’activent à l’approche des visiteur.euses et crachent des vapeurs au rythme de l’Internationale. Vibrante et chantante, cette œuvre manifeste l’indignation des femmes et leur histoire collective assignée à la vie domestique.
« Skinscapes »Nefeli PAPADIMOULI
Dans cette installation aux allures de wagons remplis de voyageurs, l’artiste-architecte explore la notion d’espace, de déplacement et de relation au corps. Ses sculptures textiles aux formes originales, novatrices et modulables, sont mises en mouvement par des performeur.euses au cours de démonstrations chorégraphiques.
Immobiles (en grève) ou animées (au travail) ces tenues vestimentaires évoquent les luttes sociales ferroviaires. Elles élaborent une nouvelle cartographie relationnelle dans et hors du travail, dessinent de nouvelles configurations spatiales du corps et de son environnement en brouillant les frontières comportementales.
« Le cactus »Mona CARA
Cette monumentale fresque aux couleurs éclatantes, tisse un majestueux patchwork avec fils de soie ou de coton, fils électriques, broderies, dentelles, jacquard, cartes mécaniques, pièces hybrides, folklore local, contes et légendes … à la mémoire laborieuse des femmes ouvrières et de l’ère textile industrielle de la région Auvergne/Rhône-Alpes. –
Cette fresque remarquable raconte l’histoire collective d’un bistrot de quartier, où se croisent et s’entrecroisent, au fil de rencontres improbables et d’étranges chimères, fils de chaîne et de trame, savoir-faire artisanaux, techniques industrielles, programmation informatique, et intelligence artificielle.
Dans cette création grouille une société imaginaire ou réelle, qui fait se rencontrer des personnes vues à l’Hôtel de la Dentelle à Brioude, à la Chapelle de la Visitation (cf. le point d’esprit dentelier) ou dans les usines « Les Tissages textiles de Charlieu ». L’assemblage des pièces fut réalisé par les habitant.es des quartiers de la Guillotière et Moncey Voltaire.
Au croisement de l’Histoire Locale et de la BD, « Le Cactus » assemble talentueusement des pièces hybrides et disparates, pour exprimer le chaos du monde en une apocalypse joyeuse. Dans cet univers festivement bancal, Mona Cara célèbre « le Vivre Ensemble » malgré l’état social et environnemental troublé du monde.
« The Cave » Oliver BEER
Oliver Beer fait chanter les espaces en révélant la résonnance accoustique d’un lieu. C’est en explorant les grottes paléolithiques de Font-de-Gaume en Dordogne, qu’il a eu l’idée de construire un univers sonore, musical et pictural en résonnance avec l’habitat des premiers hommes.
Grâce à une installation vidéo multi-écrans, l’artiste crée une œuvre immersive nous invitant à retrouver les sons émis et entendus pour la première fois, par les habitants-artistes de la grotte, voici 19000 ans.
Avec un quatuor d’interprètes et une installation monumentale de huit écrans qui associe arts visuels et musique, Oliver Beer crée une immersion polyphonique dans le patrimoine commun de l’Humanité.
La Biennale off avec Michel MOUFFE au couvent Le Corbusier – La Tourette
Michel Mouffe est un artiste d’origine belge vivant à la fois dans la Drôme, sur une île des Baléares, et travaillant dans son atelier en Belgique, pour réaliser les grands formats. Fortement inspiré par les expressionnistes abstraits tels Rothko et Barnett Newman, il est entré en peinture comme on entre en religion. L’œuvre de Michel MOUFFE est centrée sur la lumière, le silence, la quête intérieure et spirituelle. L’artiste nous invite à vivre « une promenade méditative au sein de paysages monochromatiques qui n’en sont pas, de toiles dicrètement émoussées d’un léger relief, de facture très dépouillée qui combine les paradoxes et allie les oxymorons ».
« Mon apprentissage dans l’atelier de Le Corbusier – années 80 – fut un trajet vers la Lumière. Avec l’architecte s’est instauré un dialogue de silence où proportions, couleurs, éclairage créent un temps suspendu, où l’espace détient l’harmonie, où la déambulation médite ». Les grands formats de Michel Mouffe exigent, si l’on veut pleinement goûter leurs nuances poétiques et leur intériorité, que nous soyons en mouvement devant elles (de gauche à droite, de bas en haut et inversement) et pleinement immergés dans un dialogue silencieux. J’ai travaillé une profondeur plate ».
« L’architecture, comme la peinture de Michel Mouffe, ça se marche. Elle ne se contemple pas assis mais en marchant dedans. »
Quelque peu déstabilisé.es par l’énigmatique et mystique profondeur du propos de l’artiste, les ami.es du musée ont oscillé entre interrogation, incompréhension, perplexité, rires parfois … Les conditions étaient-elles réunies pour apprécier pleinement la densité spirituelle des œuvres et la beauté du minimalisme ? Nous ont-elles livré l’une de leur fonction première, selon Frère Marc, donner le sens de l’élévation par le Beau ? En final de visite, les propos lumineux de ce dernier ont éclairé nos lanternes intérieures. Gratitude ! Quoiqu’il en soit, retenons que
Pour prolonger :
Sur RCF Lyon, 17 septembre 2024 – Religion et art contemporain
Art Press , novembre 2024
www.michelmouffe.com
Michel Mouffe et Frère Marc Cheauvau (commissaire de l’exposition) lors de l’installation.
Paysage
Le pétale
Les martyres du franquisme
Les deux filles de Michel Mouffe dans l’oratoire (On aperçoit les visages par transparence).